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Les forêts suisses face à la pollution atmosphérique

Les forêts suisses face à la pollution atmosphérique

Les forêts suisses face à la pollution atmosphérique

Un poumon vert sous pression : la réalité de la pollution atmosphérique en milieu forestier suisse

Les forêts suisses sont bien plus que des décors de cartes postales. Elles stabilisent les sols, servent d’habitat pour une biodiversité variée et jouent un rôle essentiel dans la filtration de l’air. Pourtant, malgré leur apparente robustesse, ces écosystèmes ne sont pas à l’abri des effets insidieux de la pollution atmosphérique. Le paradoxe est frappant : ce sont justement ces milieux considérés comme les garants de la qualité de notre air qui subissent en retour les conséquences de nos émissions polluantes.

Mais que sait-on réellement de cette pression invisible ? Quels polluants sont en cause, et quels sont leurs effets concrets sur nos forêts ? Cette analyse s’appuie sur les données disponibles en Suisse pour apporter un éclairage rigoureux sur un phénomène encore trop peu médiatisé.

Quels polluants menacent les forêts suisses ?

La pollution atmosphérique forestière provient principalement de sources anthropiques, comme les transports, l’agriculture intensive et l’industrie. Parmi les principaux polluants préoccupants pour les écosystèmes forestiers, on retrouve :

Le Centre suisse d’observation de l’atmosphère a récemment rappelé que les niveaux d’ozone en été dans certaines zones rurales du Plateau suisse dépassent régulièrement les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), y compris dans des zones forestières éloignées des centres industriels ou urbains.

Des effets multiples et parfois irréversibles

L’un des effets les plus sournois de la pollution atmosphérique est sa lenteur d’action. Contrairement aux catastrophes naturelles, ses conséquences s’observent sur des décennies, prenant la forme d’un dépérissement graduel qui altère l’équilibre des systèmes forestiers.

En Suisse, plusieurs études menées par l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) ont mis en évidence des dommages croissants sur certaines essences vulnérables comme l’épicéa commun et le hêtre. Parmi les impacts documentés :

Les régions les plus exposées en Suisse

Bien que l’ensemble du territoire soit concerné, certaines zones sont davantage touchées en raison de leur configuration géographique ou de l’intensité des activités humaines environnantes. C’est notamment le cas :

Un rapport de l’OFEV (Office Fédéral de l’Environnement) souligne également le phénomène de dépôts à longue portée, qui montre que même les forêts éloignées des zones industrielles ne sont pas protégées grâce uniquement à leur isolement géographique.

Quels indicateurs de suivi avons-nous ?

Depuis 1985, le Programme national suisse de surveillance des forêts (LFI) et le réseau de surveillance Sanasilva mesurent les paramètres sanitaires et chimiques de parcelles forestières jonchées sur tout le territoire. Grâce à ces séries longues, la Suisse possède une des bases de données les plus fiables d’Europe sur l’état des forêts face à la pollution.

Les protocoles comprennent :

Une étude conduite en 2022 a montré que près de 18 % des arbres présente un état de santé jugé préoccupant, tout particulièrement dans les régions de moyenne altitude. Si l’amélioration de la qualité de l’air depuis les années 1990 a permis une stabilisation, plusieurs indicateurs repartent timidement à la hausse, notamment en lien avec les hausses de température et la variation des régimes de précipitations. Un cocktail peu engageant.

Des réponses politiques et scientifiques encore en construction

Face à cette complexité, adapter les politiques publiques demande non seulement des efforts de réduction des émissions, mais également une meilleure intégration des enjeux forestiers dans la régulation de la qualité de l’air. La Suisse a mis en œuvre plusieurs plans d’action, dont :

Du côté scientifique, les chercheurs multiplient les outils de simulation pour prédire les effets croisés du changement climatique et de la pollution. L’un des défis majeurs est l’anticipation des « tipping points », ces seuils au-delà desquels les dégâts deviennent irréversibles malgré des mesures a posteriori. Car oui, même les arbres ont leur point de rupture.

Et nous, dans tout cela ?

Si les politiques et les recherches avancent, la société civile peut également jouer un rôle actif. Difficile de préserver l’intégrité écologique d’un système forestier sans penser globalement à nos habitudes de consommation et de mobilité. Quelques gestes concrets peuvent contribuer à réduire la pollution indirecte :

À défaut de tout mesurer, on peut au moins agir sur les leviers connus. Parce que même si la pollution n’a ni goût ni odeur immédiate en forêt, ses effets à long terme sont bien là, sous nos pieds. Et parfois, dans les cernes des arbres eux-mêmes.

Un écosystème à la croisée des chemins

Réfléchir à la santé des forêts suisses face à la pollution atmosphérique, c’est aussi interroger notre rapport à un patrimoine naturel que nous tenons trop souvent pour acquis. Nos forêts ont encore un rôle crucial à jouer dans l’équilibre écologique du pays, mais elles auront besoin d’aide pour continuer à jouer ce rôle. Les signaux faibles sont déjà visibles. Question de temps, ou d’action ?

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